Découvrir la philosophie


Portes ouvertes au laboratoire d’expériences de pensée du Département de Philosophie de l'Université de Genève
philipp.blum@philosophie.ch


I. Résumé de Découvrir la Philosophie

Lire le descriptif général.

Ce cycle de manifestations vise à combler pour partie cette lacune en offrant au public l’opportunité de découvrir la philosophie telle qu’elle se pratique aujourd’hui lors des débats animés par des spécialistes. Ces manifestations ne seront pas de simples conférences, mais des débats interactifs, animés par de courtes interventions et destinés à donner aux participants une expérience personnelle du raisonnement philosophique.

Pour ce faire, les intervenants articuleront leurs présentations autour d’expériences de pensées. Ces expériences consistent à imaginer des situations possibles, plus ou moins éloignées de notre situation réelle, et à se demander ce que nous serions prêt à faire, à dire, ou à considérer comme vrai dans de tels cas. Les expériences de pensées sont un des outils récurrents de la philosophie classique mais aussi contemporaine. Elles présentent l’intérêt d’être à la fois philosophiquement pertinentes et pédagogiquement efficaces. Chaque manifestation sera organisée autour d’une ou plusieurs expériences de pensée, qui permettent de saisir intuitivement un problème et de le discuter.


II. Découvrir la philosophie dans les médias

 

III. Matériel

Veuillez trouver ici


IV. Organisation

Le cycle de manifestations est organisé par deux collaborateurs du Département de Philosophie, Philipp Keller (coll.scientifique, qui coordonne eidos, le Centre de Métaphysique du Département) et Olivier Massin (assistant, qui coordonne thumos, le groupe de recherche en Sciences Affectives). Ils s’occupent en particulier:

  • de l’organisation des manifestations ;
  • de leur programme ;
  • de la publicité ;
  • de la coordination des intervenants supplémentaires.

A chaque manifestation, des intervenants supplémentaires seront présents, permettant ainsi un travail en groupe.

Les manifestations ont lieu à Uni Mail, Boulevard Carl Vogt 102, les samedis après-midi entre 2.00 et 5 heures. Elles seront suivies d'un apéritif. 

 

V. Objectifs

Ce projet poursuit les objectifs suivants:

  • introduire les participants aux débats philosophiques récents;
  • initier les participants à la pratique de la philosophie (au travers de discussions et de débats) dans ce qu’elle a de plus exigeant mais également de plus plaisant;
  • souligner l’intérêt que peut revêtir une approche philosophique des problèmes dans de multiples domaines;
  • présenter et valoriser la recherche contemporaine menée en philosophie, notamment au sein du Département de Philosophie de l’Université de Genève;
  • produire une vulgarisation de qualité des recherches philosophiques.

VI. Programme


Le cycle de manifestations proposé consiste en 7 samedis après-midis, de 14h à 17h. Les manifestations seront suivies d’un apéritif convivial qui permettra de s’entretenir de manière informelle et d’ainsi approfondir la discussion.

1) 21 février 2009:  La passion pour la vérité (portes ouvertes au collégiens)

15-18h, Uni Mail, MS150


Le Département de Philosophie de l’Université de Genève organise une après-midi portes ouvertes le samedi 21 février 2009. Les enseignants du Département présenteront brièvement le département, ses collaborateurs, les enseignements et les différentes recherches qu’ils mènent. Des étudiants viendront également présenter leur point de vue sur les études de philosophie.
A l’issue de cette brève présentation, les enseignants feront de courtes interventions présentant un exemple de leurs recherches qui les passionne particulièrement et qu’ils pensent être susceptible d’intéresser les philosophes non-professionnels. Chaque thématique de recherche sera présentée sous la forme d’un débat entre différentes options, et les participants présents seront incités à endosser une de ces options et à proposer des arguments en sa faveur. Les enseignants se chargeront d’encadrer ce débat, en prenant soin de défendre, le cas échéant, les options opposées à celles choisies par les élèves afin de les encourager à approfondir leur argumentation.

Intervenants supplémentaires: les enseignants du Département de Philosophie


2) 14 mars 2009:  « La machine à expérience », la philosophie et le plaisir

14-17h, Uni Mail, MS150


L’expérience de pensée : La machine à expérience (R. Nozick, 1974). Supposez qu’il existe une «  machine à expérience  », qui nous procure sans risque toutes les expériences plaisantes possibles : l’impression de voir un bon film, d’avoir de bons amis, d’être aimé par ses proches, d’être un grand écrivain, d’accomplir de bonnes actions, etc. Serions-nous prêts à passer notre vie dans cette machine ? Nozick suggère que non. D’après lui, nous voulons aussi voir vraiment de bons films, avoir vraiment de bons amis, être vraiment aimés par nos proches ; être vraiment de grands écrivains ou accomplir vraiment de bonnes actions.
Depuis Platon, les philosophes se demandent si le plaisir est la seule chose que nous devons rechercher, la seule chose qui possède véritablement une valeur. L’hédonisme est la théorie philosophique qui répond positivement à cette question. Ses opposants font valoir que le seul fait que nous puissions hésiter à entrer dans la machine à expérience montre que nous attachons de l’importance à d’autres choses que le plaisir. Lors de cette manifestation, le public sera d’abord divisé en deux ateliers distincts, l’une portant sur la définition du plaisir, l’autre sur sa valeur. Chaque atelier sera encadré par au moins un philosophe du Pôle de Recherches en Sciences Affectives et par un des organisateurs principaux. Les deux ateliers confronteront alors leurs résultats dans le but d’exhiber les liens entre les diverses théories sur la nature du plaisir et les diverses théories de sa valeur.

Intervenants supplémentaires: Fabrice Teroni et Julien Deonna, MERs au Pôle de Recherches sur les Sciences Affectives


3) 28 mars 2009: « Achille et la tortue »,  la philosophie par les paradoxes

14-17h, Uni Mail, MS150


L’expérience de pensée : Achille et la tortue (Zénon d’Elée) : Achille fait une course avec une tortue à laquelle il accorde cent mètres d’avance. D’après Zénon, Achille, bien qu’il coure plus vite, ne pourra jamais rattraper la tortue (c’est-à-dire arriver à une distance nulle d’elle). En effet, une fois qu’il aura comblé la moitié de son retard (50m) il lui restera encore la moitié de ce retard à combler. Mais une fois qu’il aura comblé la moitié de ces 50 mètres restants, il lui restera encore 25 mètres à rattraper. Puis il ne lui restera plus que 12m50, puis 6m25, et ainsi de suite, à rattraper. Bien qu’il ne cesse de se rapprocher de la tortue, il ne pourra jamais rattraper son retard, car il lui restera toujours une distance de plus en plus petite, mais toujours non nulle, à combler.
De Zénon d’Elée qui prouvait ainsi que le mouvement était impossible, à nos jours, beaucoup de la recherche en philosophie a été motivée par des paradoxes. Les paradoxes montrent des tensions dans nos opinions quotidiennes, des incohérences dans nos concepts et des fautes parfois subtiles dans nos raisonnements. Le but de la philosophie n’est pas seulement de trouver et localiser de tels paradoxes, mais de les résoudre, de développer des théories meilleures et des concepts plus sophistiqués. Lors de cette manifestation, le public sera averti de quelques-uns des paradoxes les plus importants pour la philosophie d’aujourd’hui, et pourra tenter de les résoudre, d’abord en groupes de travail animés par des philosophes, puis lors d’un débat ouvert. Le but de cet après-midi sera d’inviter les participants à se lancer dans la réflexion philosophique afin qu'ils découvrent par eux-mêmes le plaisir du raisonnement théorique.

Intervenants supplémentaires: Pascal Engel, professeur ordinaire au Département de Philosophie, Julien Dutant, assistant au Département de Philosophie


4) 18 avril 2009: « Robinson Philosophe», le philosophe et la société

14-17h, Uni Mail MS160


L’expérience de pensée : sur une île déserte perdue dans l’Océan Indien, un amas de glaise génère spontanément un corps humain dans lequel Dieu insuffle une âme. Nourri par une gazelle, l’enfant acquiert petit à petit les moyens de sa survie physique. Puis, selon une succession parfaitement naturelle, il progresse de la simple survie à la science suprême : disciplines techniques, logique et physique, astronomie et cosmologie pour arriver, à l’âge de trente-cinq ans, à la métaphysique, l’apogée théorique de son parcours… Mais non pas sa fin, tant s’en faut : par imitation de l’objet le plus pur de la connaissance – le premier principe (ou encore Dieu) – l’homme désormais mûr en vient à développer une éthique de la contemplation philosophique. Il a cinquante ans lorsque se produit un changement radical dans son existence : la rencontre avec un autre être humain, arrivé par hasard sur son île. Après lui avoir appris à parler, ce voyageur le convainc de l’accompagner en son pays, où l’on pratique assidûment une religion révélée. Notre Robinson le suit et connaît alors son premier échec : réalisant que les vérités qu’il avait acquises de manière totalement naturelle ne se distinguent pas de celles que la religion révélée évoque à travers des images, il tente de partager son expérience. Mais le message ne passe pas – au contraire, plus il s’efforce d’expliquer, plus il se voit rejeté. Résigné, il décide alors de retourner sur son île pour y reprendre sa vie contemplative.     
Telle est l’histoire d’Ibn Yaqzan, orphelin radical et héros d’un roman philosophique composé dans le dernier quart du 12e siècle à la cour Almohade de Marrakech par Ibn Tufaïl (1110-1185), médecin personnel et accessoirement philosophe du calife Abu Yaqub Yusuf. Les enjeux et les enseignements de cette parabole sont multiples. Elle nous confronte au paradoxe d’un langage impuissant mais nécessaire – c’est en quelque manière par lui que le mal arrive, mais en même temps, il n’y a pas d’autre moyen de communiquer. Cette fable philosophique soulève également la question du caractère naturel, quasi mécanique de la progression du niveau biologique à la contemplation philosophique via l’ensemble des sciences pratiques et théoriques : la philosophie serait-elle anthropologiquement donnée, la soif de connaître aussi bien que le désir du lait de gazelle ? Mais la question la plus fondamentale que pose le roman d’Ibn Tufaïl est sans doute celle du rapport de la philosophie à la société : ne peut-on être authentiquement philosophe que seul sur son île ? La question, soulevée par Ibn Tufaïl aux alentours de 1180, reste pour nous de la plus brûlante actualité. 

Intervenants supplémentaires: Laurent Cesalli, collaborateur scientifique au département de philosophie et Curzio Chiesa, maître d'enseignement et de recherche au département de philosophie


5) 25 avril 2009: « Le cerveau dans une cuve », dogmatisme et scepticisme

14-17h, Uni Mail


L’expérience de pensée : «  Le cerveau dans une cuve  », H. Putnam (1981). Imaginez un cerveau dans une cuve qui reçoit exactement les mêmes influx nerveux qu’il recevrait s’il était dans un corps capable de se mouvoir. Supposez maintenant que vous soyez vous-même ce cerveau : vous n’auriez certainement aucun moyen de le savoir (vous auriez l’impression de manger des glaces, de monter des escaliers ou de serrer la main de vos amis, comme si vous y étiez). Comment savoir alors que nous ne sommes pas des cerveaux dans des cuves ?

Un des problèmes philosophiques les plus anciens et un des plus vivement discutés aujourd’hui est le problème du scepticisme. Le sceptique, qui affirme ne rien savoir, est-il simplement trop sévère, est-il aveugle, épistémiquement vicieux ou peut-être même fou ? Est-il possible de montrer – à lui ou à d’autres - qu’il a tort ou faut-il l’isoler de toute argumentation, le mettre en quarantaine comme un foyer d’infection ? A l’autre extrême, opposé au sceptique, on trouve le dogmatique, qui affirme savoir sans pour autant donner des raisons en faveur de ses affirmations. Est-il aussi épistémiquement vicieux que le sceptique ? Lors de cette manifestation, le public discutera de ces questions, sous forme d’un débat controversé entre deux équipes, animé et aidé par des enseignants du département. Le but visé est celui d’un compromis: peut-être y a-t-il des domaines où nous devrions être sceptiques, et d’autres où le dogmatisme représente la position plus attractive.

Intervenants supplémentaires: Fabrice Correia, professeur FNS au Département de Philosophie, Anne Meylan, assistante FNS au Département de Philosophie.


6) 9 mai 2009 : « Jim et les Indiens » : « que devons-nous faire ? »

14-17h, Uni Mail, MS150


L’expérience de pensée: Jim, explorateur texan à la recherche des vestiges d’une civilisation précolombienne, arrive un jour sur la place centrale d’une petite ville d’Amérique du Sud. Fendant une foule disposée en cercle autour d’un groupe d’hommes en uniforme qu’il distingue mal, il parvient au premier rang et se rend compte avec stupeur que vingt indiens sont attachés, le dos contre un mur, face à plusieurs soldats armés. Le capitaine qui les dirige, surpris et gêné par l’irruption de Jim, citoyen d’un pays allié, lui explique que ces Indiens ont été choisi au hasard et vont être fusillés pour l’exemple, afin que les habitants de cette région restent tranquilles et ne manifestent plus contre le gouvernement. Mais comme Jim est un hôte d’honneur, le capitaine lui fait la proposition de tuer lui-même l’un des Indiens, et alors les autres seront relâchés. Si, par contre, il refuse, les vingt seront fusillés comme prévu. Que doit faire Jim ?
Bernard Williams a imaginé cette tragique histoire parce qu’elle paraît mettre en question un principe moral qui paraît intuitivement valide, à savoir qu’il est moralement requis de minimiser les victimes et le mal produit lorsqu’on agit. D’où la question suivante: faut-il rejeter ce principe dans ce cas particulier et si oui, quel autre principe doit-on lui substituer ? Cette histoire soulève encore une autre difficulté. À première vue, on a l’impression qu’elle constitue un dilemme, c’est-à-dire une situation dans laquelle il n’existe pas de raison péremptoire d’agir dans un sens plutôt que dans un autre. Mais peut-il exister de vrais dilemmes moraux ou, comme Kant et Mill le pensaient, les dilemmes moraux ne sont-ils qu’apparents ? Lors de cette manifestation, plusieurs autres dilemmes seront encore présentés aux participants, afin de tester leurs intuitions morales et à l’occasion desquels seront examinées les différentes réponses que différentes doctrines morales y ont apporté.

Intervenants supplémentaires: Bernard Baertschi, MER à l’Institut d'éthique biomédicale, Samia Hurst, MER à l’Institut d'éthique biomédicale.


7) 23 mai 2009: « La star du basket » : « qu’est-ce qu’une société juste ? »

14-17h, Uni Mail, MS150


L’expérience de pensée : « La star du basket », R. Nozick (1981). Supposez une société dans laquelle chacun dispose de la même somme de richesses au départ. Dans cette société, un basketteur au talent exceptionnel décide de ne jouer que si chaque personne venant le voir lui verse 20 centimes à chaque match. A l’issue de la saison, ce basketteur est beaucoup plus riche que chacun des autres membres de cette société. Cette inégalité de richesse importante est-elle injuste ? Après tout, personne n’a été forcé de payer : seuls ceux qui étaient prêts à payer 20 centimes pour le voir jouer l’ont fait, volontairement, et ceux qui ne voulaient pas le faire ne l’ont pas fait. Pourquoi une telle inégalité devrait-elle être corrigée ?
Une des questions centrales de philosophie politique est de savoir ce qu’est une société juste. Comment distinguer les distributions des biens justes de celles qui ne le sont pas ? Une distribution strictement égalitaire est-elle plus juste qu’une distribution plus inégalitaire mais dans laquelle l’inégalité introduite a pour effet d’augmenter la richesse des plus défavorisés ? Est-elle plus juste qu’une situation inégalitaire issue d’un processus analogue à celui décrit dans l’expérience de pensée de Nozick ? Doit-on se focaliser sur la distribution des biens et services matériels, ou est-ce la satisfaction des désirs des individus, leur bien-être qui sont au fond les choses qui doivent être équitablement réparties ? Cette séance sera organisée autour de 4 ou 5 petits débats, mettant en jeu des exemples concrets, auquel le public devra prendre part. Des enseignants spécialistes de philosophie politique aideront chaque équipe à retenir et à formuler les arguments les plus pertinents à la défense de sa cause.

Intervenants supplémentaires: Francis Cheneval, chargé de cours à l’Institut Européen, Université de Genève, et Privatdozent für Politische Philosophie à l’Université de Zurich, Nicolas Tavaglione, chargé de cours suppléant au Département de Sciences Politiques.